16 novembre 2021
Temps de lecture: 4 min.
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La biodiversité ? « Un mot-valise créé dans les années 80 pour désigner la diversité du vivant… de l’échelle moléculaire jusqu’à celle des écosystèmes. C’est large ! » s’amuse Adrien Rush, chargé de recherche à l’INRAE.  

Au cœur du vignoble bordelais, la biodiversité se manifeste sous de multiples aspects – et de multiples tailles. A l’échelle macro : fleurs, papillons, oiseaux, chauves-souris, renards… ; à l’échelle micro : une faune visible (vers de terre) ou invisible (microorganismes comme les acariens ou les collemboles). 

Depuis plus de vingt ans, protéger cette biodiversité est devenu une préoccupation majeure des viticulteurs« On peut envisager la protection de cette biodiversité sous deux angles » poursuit Adrien Rusch, qui étudie plus spécifiquement les relations entre l’agriculture, la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. « Un premier enjeu d’ordre patrimonial ou éco-social – il s’agit alors de conserver les espèces rares ou emblématiques, et de rediversifier les paysages (découvrez notre article dédié à l’agroforesterie dans le vignoble bordelais). Un deuxième enjeu consiste à protéger la biodiversité parce qu’elle remplit des fonctions bénéfiques pour le vignoble, comme réguler les insectes ravageurs ou assurer le bon fonctionnement du sol. » biodiversité-bordeaux

C’est pour répondre à ces deux enjeux que les vignerons bordelais ont mis en place, à l’échelle de leur exploitation, de multiples aménagements pour protéger l’ensemble de cette biodiversité. 

Jessica Aubert, du château Nodot (Saint Christoly de Blaye), a ainsi travaillé à la préservation et la diversification des paysages, en replantant haies et arbres ; son terrain se compose désormais de 8 hectares de vignes et 12 hectares de prairies et forêt, avec un réseau de mares et points d’eau. Noémie Tanneau, toute jeune propriétaire du Château Saint-Ferdinand (Lussac Saint-Emilion), poursuit la même logique : « J’essaie de réinstaurer une trame verte, une continuité entre tous les espaces naturels – près, étangs, ruisseaux, pour garantir une sorte de corridor aux animaux. » 

Les deux jeunes femmes ont également adopté la fauche tardive (au solstice d’été, fin juin), pour préserver les habitats et « offrir à la faune le gîte et le couvert »« C’est un souci d’ordre philosophique », explique Jessica Aubert. « Je cherche à réparer les déséquilibres induits par la monoculture de la vigne ». Noémie Tanneau, elle, « pense aussi à [ses] filles de 6 et 8 ans qui ont l’habitude de courir dans les vignes ». Elle travaille en partenariat avec le Conservatoire Botanique du Végétal d’Aquitaine, qui recense la flore dans la campagne.  

Pour préserver la faune, la solution n’est pas forcément de créer artificiellement nichoirs ou abris, mais de faire en sorte que les animaux en tous genres renouent avec des habitats naturels. Certes, certains vignerons ont pu installer ruches ou dorlotoirs pour les abeilles, parfois en partenariat avec des apiculteurs ; mais à en croire Jessica Aubert, les aménagements pour faire revenir la faune peuvent être relativement simples : « On laisse un tas de pierre pour accueillir les couleuvres, on ne ferme pas les entrées de charpentes pour les chauves-souris, on maintient un petit trou dans les hangars pour les chouettes ou hirondelles… et si l’on est incommodé par leurs déjections, on met des cartons ! ». 

En 11 ans, elle a observé des changements tangibles sur son exploitation : des papillons qu’elle ne voyait plus sont de retour, des limaces inédites, des phasmes, des vers luisants, des coccinelles en pagaille… « Autant d’espèces qui étaient bien plus rares il y a quelques années ». Même son de cloche à La Dauphine (Fronsac) : « J’ai vu l’évolution en 10 ans », raconte Stéphanie Barousse, directrice du Château. « On voit plus d’animaux, d’insectes, des vers de terre, des renards, des chevreuils, des écureuils, des hérissons… et une multitude de plantes dans les vignes, comme de la menthe… » 

On constate que les sols sont plus vivants comme si la vie était revenue ; la vigne est plus forte, plus vigoureuse, moins chétive

Bien évidemment, ne laissons pas croire que la biodiversité serait un remède à tout. « Non, planter des haies ne résout pas tous les problèmes ! » met en garde Adrien Rusch, rappelant que le vignoble de Bordeaux doit notamment composer avec des pathogènes liés au climat tempéré océanique. 

Néanmoins, préserver la biodiversité peut être une stratégie gagnant-gagnant : parmi les animaux, oiseaux et micro-organismes de retour dans le vignoble, certains vont se nourrir des insectes ravageurs de la vigne, permettant de diminuer – quand ce n’est pas remplacer – les traitements. Des travaux de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) ont ainsi démontré l’efficacité redoutable de la Pipistrelle, une chauve-souris fréquemment observée dans le vignoble, sur la diminution des papillons de tordeuses de la grappe qu’elle s’empresse de dévorer la nuit. La coccinelle, elle, raffole de la cicadelle, autre ravageur de la vigne. Plus globalement, « des couverts végétaux diversifiés augmentent la présence de biodiversité (insectes, papillons, abeilles), améliorant la régulation des bioagresseurs et assurant une meilleure fertilité des sols », complète Adrien Rusch. 

A l’échelle du sol, justement, macrofaune et mésofaune participent à la décomposition de la matière organique, et relâchent des nutriments qui, in fine, aident la plante. Cette faune maintient la fertilité des sols, participe à la dégradation de polluants, assure la réserve hydrique… Autant de bénéfices pour le viticulteur dans la conduite de son vignoble. 

 

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